Nounours et Arthur

"Dans notre monde, il y daux sortes d'étoiles : les étoiles normales qui vivent des centaines d'années et les étoiles filantes. Ces dernières ne durent que quelques secondes, mais ce sont les plus belles, les plus étincelantes. Toi, tu as été mon étoiles filante...."

Regarde-le, ce nounours… Tout abîmé, délavé, déchiré, débraillé, fatigué… Ce nounours qui me ressemble, en fait. Pourtant, autrefois, il était beau ! Quand papa me l’a offert, à l’hôpital, lors de mon tout premier jour sur Terre, il avait de la gueule, mon nounours ! Il était encore plus blanc que le T-shirt dans la pub de Dash, il avait des habits de clown rouges avec des ronds de toutes les couleurs ! Il sentait bon ! C’était un nounours en forme, en bonne santé ! Avec un petit chapeau pointu ! Un nounours rembourré de tous les côtés !

Et aujourd’hui, regarde-le, mon nounours… Ce n’est plus qu’une loque. Il est sale, gris, tristounet. Il pue, aussi ! Toutes ces odeurs amassées durant ces 15 années à mes côtés lui ont donné une odeur que j’aime, mais que je suis la seule à aimer, semble-t-il. Ses habits sont troués. Il est maigre comme tout. Toute la mousse de son rembourrage est partie. Son petit chapeau pointu, je l’ai mâchouillé. Il est fatigué, mon nounours, aujourd’hui. Il est maigre. Les petites billes qui lui servent d’yeux sont toutes griffées et ça lui donne un air triste. On dirait qu’il va pleurer. Il doit plus y voir grand-chose, d’ailleurs, avec toutes ces griffes…

En fait, mon nounours, il me ressemble. Regarde-moi ! Les joues baignées de larmes. Le regard fatigué et désabusé. Tu sais ce que je vois dans le miroir ? Une fille qui a cessé d’être une enfant et qui a peur d’être une adulte. Une petite fille maigrelette, blessée, fatiguée, recroquevillée et qui serre une chose informe dans ses bras. Une chose qui a autrefois été son nounours… Je vois une petite fille qui a autrefois été un beau bébé. Un bébé rembourré, bien vivant, tout lisse, comme dans les magazines. Un bébé souriant et gazouillant, étonné de tout et des rêves plein les yeux… Il a bien changé, le bébé. Mon Dieu, qu’il a grandi ! Il n’y a plus de rêves dans les yeux de cet ancien bébé. Il n’y a plus que de la douleur, de la tristesse, de la colère.






Voici l'histoire d'une amitié bizarre. L'histoire d'une jeune fille courageuse. Voici l'histoire d'ANAÏS!

Retenez bien ce nom! Il est beau, n'est-ce pas? Aussi beau qu'elle était belle. Aussi beau que son sourire. Aussi beau que son courage. Aussi beau que son rire. Aussi beau que notre amitié un peu hasardeuse...

Je vais tenter de vous retranscrire l'histoire de cette vie si courte et pourtant si intense. L'histoire de mon amie, tout simplement. Une histoire triste mais pourtant tellement belle... Une histoire tellement injuste et pourtant remplie d'espoir...

Anaïs... Mon coup de foudre d'amitié... Ta leucémie aura eu raison de ton courage. Ma belle, tu as arrêté de souffrir. Mais nous, nous pleurons toujours. Surtout ta maman, qui n'avait que toi. Ta maman si courageuse. Ta maman si drôle, si sage et qui t'aime tant.Ta maman a qui tu as dit ces derniers mot en descendant aux soins intensifs :

Je t’ai connue en première primaire. Nous avions alors 6 ans. J’étais une petite fille dyslexique, bizarre et mal dans sa peau. Toi, au contraire, tu étais une kamikaze, une fofolle et une rebelle. Tu es vite devenue le cauchemar de Madame Caroline, cette pauvre femme qui essayait tant bien que mal de nous apprendre à lire pendant que tu faisais le pitre…Je ne saurais compter le nombre de fois où tu t’es retrouvée devant la porte de notre classe, mangeant tranquillement un chocolat…

Tu étais grande, j’étais petite. Tu étais noire, j’étais blanche. Tu étais pleine de vie, j’étais le calme incarné. Rien ne nous rapprochait. Nous étions diamétralement opposées. Tu as continué de grandir et a développé ta joie de vivre. Moi, j’ai vite arrêté de grandir et je suis restée une fille effacée et timide. Nous avons pris des chemins bien différents et nous avons grandi chacune de notre côté en développant ces caractères qui semblaient tant nous séparer. Et pourtant, ma grande, nous nous sommes un beau jour rapprochées…

-Tu aimes écrire, non? Tu as déjà écrit des textes sur Anaïs?

-Oui, plein.

-Tu en as déjà montrés à des gens.

-Non. J'en ai posté un sur un forum, sur un coup de tête. Mais c'est tout.

-Pourquoi?

-Parce que...

Le téléphone sonne, me coupant la parole. Elle répond, dit "d'accord". Puis elle me regarde et me dit :

-Il va être l'heure. C'est 25 euros.

Eh oui, cette femme, c'est ma psy. Une psy, c'est une dame qui veut tout savoir de tes problèmes, qui les écrit sur une feuille de papier et qui aquiesce pendant que tu parles. Parfois, je me demande si elle ne fait pas des petits dessins...
Bref, nous sortons de son cabinet et nous passons devant la salle d'attente. Elle me serre la main, me dit "à la semaine prochaine" et va prendre par la main une autre personne malheureuse.

Je branche mon mp3 sur du Enya et, en partant, je me demande "Mais comment j'en suis arrivée là?". Pourquoi est-ce que je me retrouve tous les jeudis à 16h30 avec une psy spécialisée en mutilation?
Une petite douleur à mon bras me le rapelle alors...

Cimetière de Wezembeek-Oppem, ce mercredi. On peut apercevoir dans l'avant dernière rangée de pierres tombales un groupe de jeunes accompagnés d'un vieux monsieur. Ils se tiennent devant une tombe toute fraîche, qui n'a pas encore de pierre. Une petite crois a été plantée dans le sable et on peut y lire "Mimou 1992-2008".
Si on s'approche un peu, on peut voir une jeune fille qui se tient au milieu de ce groupe compact. Une toute petite fille, d'1m58. Une toute petite fille, pâle et amaigrie.
Si on s'approche encore un peu, on pourra entendre sa voix se mêler au chant des oiseaux par cette belle journée. Car oui, elle parle à une tombe. Et la tombe ne lui répond pas. Obstinément, elle reste sourde à se paroles... Mais la petite fille continue à parler :

"Ton rire. Je ferais n’importe quoi pour t’entendre encore rire. Pas de ces rires féminins retenus. Non, toi, quand tu rejetais la tête en arrière pour laisser éclater ton rire, on pouvait sentir ta joie résonner aux parois des murs. J’aimais te faire rire, même si je n’étais pas très douée pour ça, à l’origine.

Dans la vie, on rencontre plusieurs sortes d’amis : ceux qui nous remontent le moral, ceux qui nous écoutent, ceux avec qui on aime sortir, ceux qui connaissent nos défauts, ceux avec qui on a plein de souvenirs… Mais les amis avec qui on partage, on en rencontre peu.

Avec toi, j’ai appris ce qu’était donner, mais surtout ce qu’était recevoir en retour. Car oui, ta maman et toi m’avez beaucoup donné. Encore aujourd’hui, je me sens riche d’un cadeau merveilleux qu’on s’est offert. Je souhaite à tout le monde de vivre un jour une telle amitié, un tel partage…

Il est vrai que nous étions très différentes. Je dirais même totalement opposées. Mais j’ai appris avec toi que les différences peuvent parfois rapprocher les êtres plutôt que de les éloigner. C’est avec les gens différents qu’on apprend. Moi, j’ai appris grâce à toi à quel point la vie est précieuse et qu’il faut la mordre à pleine dents. J’ai appris que sourire est la meilleure des thérapies pour le moral. Mais moi, je ne saurai jamais ce que je t’ai appris…

Chère étoile, tu me manques. Avoir 16 ans sans toi, c’est affreusement terne. Avoir un petit ami sans pouvoir t’en parler, c’est frustrant. Avoir une bonne note en math et ne pas t’entendre halluciner, ça gâche mon plaisir. Ne plus pouvoir te raconter les potins, ne plus pouvoir te dire qui drague qui, ne plus jouer au Scrabble avec toi ou au Uno en chantant « Belle » de Notre-Dame-de-Paris, ne plus faire de tests facebook…

Chère étoile, tu me manques. Et j'ai l'impression que tu n'as pas fini de me manquer."