C'est un tas de feuilles. Et toujours, je pense qu'elles sont mortes. Et j'imagine un parc vide. Il ne fait pas beau, c'est bientôt le soir, l'équinoxe est passé. Dans la pelouse, l'herbe rivalise avec la mousse. Un arbre se dénude sous les mots doux qu'une brise lui souffle. Une allée de gravier se désole -l'on ignore de quoi, et chacun des ses cailloux couleur crème sont autant de petites larmes à perler. Pourquoi faudrait-il qu'elles soient rondes, et lisses et luisantes ? Elles ne le sont pas, l'allée de gravier en souffre davantage encore, et son flot de larmes semble infini. Au loin, près de balançoires qui se bercent au chant discret des derniers oiseaux, ceux qui n'ont pas encore migrés, ce tas de feuilles mortes. Du blanc, du gris, du crème. Cet amoncelement de rouge, d'orangé, d'ocre.
C'est un tas de feuillets. De temps en temps, un bout de brouillon glisse entre mes doigts, le premier qui me vient. Je trouve toujours très vite, parce que mon chez-moi est un vrai fatras de papiers. Parfois, c'est sur mon bureau, en cours, dans ma trousse des petites notes, des feuilles. J'ai quelque part ma liste de jolis mots. Ailleurs, trois vers qui sonnent très faux. Là, une phrase capturée en vol, qui me plaisait. Lorsque je me pose, de temps en temps, j'essaie de retrouver ces bouts d'âme, ces bouts de filligranes, ces quelques traces d'encre. J'en trouve un, qui a volé entre deux pages d'un livre, et je me décide à une petite chasse. Certaines fois, ce sont six; d'autre, dix. Et je les fourre pêle-mêle dans une pochette qui commence sérieusement à s'abîmer. C'est un tas de feuillets.
Des pensées, des images, des idées. Sur le tas, je les ai couchées.